La rencontre d’une autre culture, de ses traditions peut venir nous rappeler l’importance des rituels dans les relations sociales. L’accueil selon la coutume Kanak en est un exemple.

Poitiers, août 2021, les militant·e·s Ceméa sont rassemblé·e·s devant l’Université pour le 12è congrès. Deux groupes se font face, une table au milieu, des objets posés dessus.

Le silence, puis Pierre Lepreu, vice-président des Ceméa Pwara Waro (souffle de vie) de Nouvelle Calédonie parle. Il demande « l’autorisation de rentrer ».

En face, Stéphanie Magne, la présidente des Ceméa Nouvelle Aquitaine, à son tour, s’avance, pose des objets sur la table, touche la table et souhaite la bienvenue aux militant·e·s des territoires ultra marins.

Tradition importante en Nouvelle Calédonie, c’est une partie de la coutume Kanak : règles et rituels respectés par les clans. Elle a lieu à l’accueil de nouveaux·nouvelles arrivant·e·s dans un endroit, un territoire, pour visiter certains lieux ou solliciter un hébergement.

Un échange

Sur la table, espace entre deux, sont posés une étoffe, de la monnaie et un objet. Ces objets symbolisent le lien ; traditionnellement, il s’agit d’un igname ou d’une corde sur laquelle sont enfilées des perles (cette corde représente l’homme/la femme/la case). Ce sont des objets sacrés. Ils servent de support visuel au discours puisque les échanges sont aussi des échanges de paroles : de bienvenue, de fraternité, de paix.

Ce rite, ces échanges, permettent l’accueil de l’autre : il s’agit de dons et de contre dons, liant et reliant les deux parties dans la réciprocité. Donner, recevoir, rendre : les sociologues, Marcel Mauss le premier, dans essai sur le don- ont repéré ces gestes comme fondateurs du lien social.

Accueillir l’autre

Évidemment, on pense aux sociétés traditionnelles et aux rites d’accueil, on pense aussi aux rites religieux, mais n’invitons-nous pas cet·te ami·e à prendre un café à la maison, ou un apéritif après quelques échanges de politesse. Que dire de ces « ça va ? »  auxquels on répond en posant aussi la question et qui sont des échanges de paroles ritualisées.

Et le jour où les Dupont, collègues de travail, sont invités à manger, ils apportent une plante, une bouteille, ou les deux. Bien sûr, on leur répond « il ne fallait pas » … en acceptant.

L’accueil, c’est le contraire de l’exclusion, c’est l’attention à l’autre, le respect, c’est l’hospitalité.

Le rituel, c’est un lien social mais aussi une inscription symbolique dans un lieu, un temps, un collectif. Il facilite les passages d’un endroit à un autre, d’un statut à un autre.

Accueillir, c’est dire « tu es des nôtres », c’est signifier une commune humanité.

Les professionnel·le·s de l’éducation, du travail social, de la santé mentale prêtent, ou devraient prêter attention à cet accueil. Il peut être pensé et pratiqué dans les différents endroits pour leur permettre de quitter un endroit ou des personnes et faciliter l’intégration des individus.

Accueil et éducation

À l’école, particulièrement en maternelle, la séparation avec le milieu familial peut être difficile pour les plus jeunes. Les enseignant·e·s aménagent l’espace et le temps pour faciliter ce passage et permettre aux enfants d’intégrer la classe plus sereinement.

On trouve par exemple, dans un espace entre la classe et l’extérieur, des « boîtes à doudou » , ou des temps avec les parents pour faciliter la transition.

Accueil et santé mentale

Il n’est pas possible de parler d’accueil dans le champ de la santé mentale sans évoquer Jean Oury, la clinique de la Borde et la psychothérapie institutionnelle.

L’accueil de la folie va se situer à deux niveaux :

  • L’hospitalité (d’où viennent les mots hôpital mais aussi asile), l’acceptation de l’autre comme il est, essentielle pour des personnes longtemps exclues, enfermées, reléguées, qui ont encore des difficultés à trouver une place de citoyen·ne dans notre société.
  • L’accueil est aussi celui des symptômes, des manifestations des troubles psychiques, L’ACCUEIL de la parole du patient·de la patiente par une équipe, une institution qui pourra les contenir et contribuer à leur donner un sens. C’est aussi une qualité de présence, de disponibilité.

Accueil et travail social

Le travail social concerne en premier lieu des publics avec des difficultés : d’intégration, de socialisation… des fragilités dans leurs rapports aux autres, aux institutions, aux structures de droit commun. Il peut s’agir de familles en difficultés, de personnes sans abri, porteuses de handicaps ou d’exilés, de jeunes décrocheurs scolaires.

Autant dire qu’ici, l’accueil est important : c’est le premier pas vers la reconnaissance de l’autre, quelle que soit l’exclusion qu’elle peut vivre. Et quand les professionnel·le·s y accordent de l’importance, le café est présent, les lieux sont chaleureux, la disponibilité de mise. Ici peut commencer la relation de confiance nécessaire à tout accompagnement.

L’accueil, c’est la reconnaissance de l’autre, mais c’est aussi une question de culture. Mais que dire alors de ces endroits où on ne prend plus la peine ou le temps d’accueillir ou d’être accueilli ; et que dire de ces réseaux sociaux où on ne dit plus bonjour et où on n’échange plus de formule de politesse comme sur les réseaux sociaux par exemple ?

Cet accueil, ce symbolique, ces échanges, c’est aussi la construction du lien social, denrée précieuse par les temps qui courent.

Ici et maintenant aussi, cela vaut peut-être la peine de penser à « faire la coutume ». Question de solidarité.

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« L’importance de la valorisation, de la reconnaissance des différentes formes d’engagements volontaires des jeunes » Ludovic Falaix

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